J’ai eu l’honneur d’ĂȘtre l’hĂŽte de cette rencontre dans nos bureaux, rĂ©unissant des membres de l’administration communale et cantonale, dans des domaines aussi variĂ©s que les impĂŽts, la police, la santĂ©, les hautes Ă©coles, les services environnementaux ou encore l’aide aux rĂ©fugiĂ©s. Un panel d’invité·e·s trĂšs divers en termes de parcours et de familiaritĂ© avec l’intelligence artificielle.

L’IA et ses bouleversements sur l'emploi

Notre premiĂšre invitĂ©e Ă©tait Laura Tocmacov, spĂ©cialiste de l’IA et de l’obsolescence programmĂ©e. Depuis 2017, elle est CEO et fondatrice d'Impact IA, association visant une utilisation positive de l’IA. Elle a vite su poser le dĂ©cor: l’intelligence artificielle est plus qu’un outil. Ses dĂ©fis sont Ă  la hauteur de ceux que nous pose notre humanitĂ©.

Entre les premiers vols en avion et la premiĂšre mission lunaire il y a 66 ans. Avec l’IA, l’évolution est encore plus rapide. Les IA gĂ©nĂ©ratives ont littĂ©ralement explosĂ©. En quelques mois, il y a eu autant d’utilisateurs de ChatGPT que Netflix, qui avait mis 10 ans. Parmi les nombreux bouleversements, il y a ceux sur l’emploi. On trouve Ă  ce sujet devant deux camps opposĂ©s. D’un cĂŽtĂ©, ceux qui disent que des emplois et des mĂ©tiers disparaĂźtront Ă  cause de l’IA. De l’autre, ceux qui se focalisent au contraire sur les nouveaux mĂ©tiers qu'elle implique.

Tout le monde est pourtant d’accord, les transformations professionnelles se dĂ©roulent trĂšs vite, voire trop vite. Outre les nouveaux mĂ©tiers, il y aura un aspect de formation et de montĂ©e en compĂ©tence. PlutĂŽt que de rĂ©flĂ©chir en termes d’IA ou pas d’IA dans telle ou telle tĂąche professionnelle, on peut avoir une “intelligence hybride”, soit une collaboration avec l’intelligence artificielle.

l’IA soulĂšve des questions au niveau mondial, aux rĂ©ponses devant ĂȘtre locales, ouvertes et inclusives.

Laura a aussi mis en Ă©vidence que l’IA dans l’administration doit ĂȘtre Open Source (200% d’accord). Il faut Ă©viter d’ĂȘtre tributaires des grandes entreprises Ă©trangĂšres, notamment de la Silicon Valley. Cette IA doit Ă©galement ĂȘtre diverse, ne peut pas se faire sans les citoyen·ne·s et sans que les droits fondamentaux soient respectĂ©s.

L’intelligence artificielle soulĂšve des problĂšmes au niveau mondial, mais les rĂ©ponses se doivent d’ĂȘtre locales. Encore une fois, la diversitĂ© et l’approche orientĂ©e utilisateur·trice est clĂ©. En ne pensant que code, on court Ă  la catastrophe. Ce n’est pas nous qui allons la contredire sur ces points!

On n’est pas prùs de remplacer un comique par une IA? Ou bien?

Un des thĂšmes aussi rapidement survolĂ© par Laura Ă©tait celui de la crĂ©ativitĂ© humaine et de l’IA. En attendant que ce soit cette derniĂšre qui nous fasse rire (volontairement), nous avons fait appel Ă  Lord Betterave. L’humoriste fribourgeois nous avait bien fait rigoler avec une chronique radio sur notre outil FribourgGPT il y a quelques mois. Nous avons eu envie de l’inviter Ă  se moquer un peu de nous, et on a Ă©tĂ© servis.

AprĂšs cet intermĂšde comique qui a fait monter l’applaudimĂštre d’un cran, Hannes a eu la lourde tĂąche de conclure. C’était spĂ©cial de faire cette prĂ©sentation dans cette ville, oĂč l’aventure Liip a commencĂ©, proche de l’UniversitĂ© de Fribourg, il y a bien quelques annĂ©es (quand on aime, on ne compte pas).

Une approche d’innovation sans permission et ouverte ne datant pas d'hier

Notre approche d’entrepreneuriat progressiste ne date pas d’hier et Hannes nous a ramenĂ© en 2007. Bien avant la hype autour de l’IA gĂ©nĂ©rative, a eu lieu le lancement du premier de ce qui allait devenir une longue sĂ©rie d’iPhone. Ça a Ă©tĂ© une rĂ©volution, un peu autoproclamĂ©e par feu Steve Jobs, mais convenons que le terme n’a pas Ă©tĂ© galvaudĂ©. Qui disait smartphone, disait aussi apps conçues pour mobile. Qu’est-ce qui allait alors devenir de nous et de nos sites internet?

Nous avons trĂšs vite dĂ©veloppĂ© une app de navigation, reposant sur le GPS, offrant des donnĂ©es liĂ©es aux transports publics. Nous avons empruntĂ© des donnĂ©es des CFF et avons open sourcĂ© un outil permettant d’accĂ©der Ă  ces donnĂ©es publiques. Un outil qui, encore Ă  l’heure actuelle, compte pas moins de trois milliards de requĂȘtes par jour.

C’est dans cette mĂȘme approche d’innovation “sans permission” et ouverte (Open Source et Open Data) que nous avons abordĂ© l’intelligence artificielle. TrĂšs vite, nous avons jouĂ© avec les outils d’IA gĂ©nĂ©rative en nous disant, pourquoi ne pas les utiliser pour faciliter l’accĂšs aux informations publiques pour les administré·e·s. Sans attendre la permission des autoritĂ©s fribourgeoises, mais en empruntant ses donnĂ©es mises en ligne Ă  disposition du public. FribourgGPT Ă©tait nĂ©.

Dans une base de donnĂ©es, nous avons intĂ©grĂ© toutes les donnĂ©es du site fr.ch, grĂące Ă  ce que l’on appelle gĂ©nĂ©ration augmentĂ©e de rĂ©cupĂ©ration. Avec une question posĂ©e, on identifie les documents pertinents dans la base de donnĂ©es. Notre outil IA gĂ©nĂšre une rĂ©ponse sourcĂ©e Ă  la question, dans la langue oĂč la question a Ă©tĂ© posĂ©e, mĂȘme si le site web ne la traite pas. Cet environnement est “safe enough to try”, de par la qualitĂ© du site web en termes de fiabilitĂ© de l’information.

La technologie est toujours pleine de biais, de prĂ©jugĂ©s. Comment s’assurer que nos valeurs, nos idĂ©es et nos rĂšgles y sont reflĂ©tĂ©es? Il faut de l’Open Source, on ne le rĂ©pĂ©tera jamais assez. Nous avions commencĂ© par les outils GPT4 d’OpenAI sortis les premiers. DĂ©sormais, sur la base de nos donnĂ©es fribourgeoises, nous avons perfectionnĂ© FribourgGPT et mis en place un outil comparatif, avec GPT4 Turbo, et les solutions Open Source, le français Mixtral et LLaMA de Meta.

Nous avons d’ailleurs profitĂ© de notre audience pour procĂ©der en direct Ă  quelques tests de questions et rĂ©ponses. Et, vous pouvez le faire aussi: fribourg-oss.gpt.liip.ch

Des prototypes tels que celui-ci sont cruciaux. Essayons et apprenons pour s’amĂ©liorer, conscient·e·s des risques et des enjeux de l’IA. Lors des discussions, nous avons Ă©changĂ© autour d’applications concrĂštes dans des domaines tels que la fiscalitĂ©, la recherche ou la circulation routiĂšre.

Et maintenant, on fait quoi?

MalgrĂ© la variĂ©tĂ© des problĂ©matiques, une question revenait: on fait quoi concrĂštement? À cette question essentielle, nous rĂ©pondons que c’est bien de commencer par un petit projet interne, avant de monter en compĂ©tences et d’en faire profiter la population. On croit souvent que seule la quantitĂ© de donnĂ©es est importante. Avoir des donnĂ©es de qualitĂ© est tout aussi crucial et cela, l’administration n’en manque pas. Mais avant tout, premiĂšre Ă©tape: on en parle ensemble, pour identifier les possibilitĂ©s et les dĂ©fis. C’est d’ailleurs ce que nous avons continuĂ© Ă  faire durant le reste de la soirĂ©e.